La main, miroir du Qi

dragonceleste
7 min readSep 25, 2022

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L’analyse de la main n’a pas bonne presse en France : on l’associe volontiers aux sciences occultes et la magie du Moyen-Age. Nous devons nous tourner vers les pays anglo-saxons pur découvrir une ouverture plus pragmatique à cette science ancienne qui a au moins autant de qualité et de véracité que la graphologie chère aux cabinets d’embauche.

Tout d’abord rappelons la différence la différence, fondamentale, entre chirologie et chiromancie. Cette dernière est une tentative de prédire l’avenir par la lecture de signes sur la main, tandis que la chirologie relie la physiognomonie de la main avec les traits du caractère et, pour les chinois, les variations de l’énergie interne, le Qi.

Aux Etats unis, en Allemagne et en Grande Bretagne, de nombreux livres décrivent cette relation qui existe entre la forme de la main et le caractère et les pulsions les plus secrètes d’un individu. Des travaux sérieux ont été édités par des psychologues et des médecins. La Chine a été beaucoup plus loin.

L’étude de la main est née en Inde et en Chine plus de mille ans avant J-C. Elle arriva ensuite en Grèce antique et à Rome ou des esprits brillants l’étudièrent avec sérieux : Aristote, Galien, Pline et même Jules César.

De grands noms lui donnèrent quelques lettres de noblesse : Cornelius Agrippa, Savonarole, Paracelse…

Elle subit ensuite une éclipse avant d’intéresser de nouveau quelques chercheurs aux XIX et au XXème siècle : Napoléon (sic), Jules Andrieu, le Capitaine d’Arpentigny, le naturaliste René Quinton et le médecin Henri Mangin.

Au début de ce siècle, le diplomate Georges Soullié de Morant écrivit son Traité de Chiromancie chinoise.

En Irlande et aux Etats-Unis, Cheiro (William John Warner,) se rendit célèbre au début du XXème siècle par ses écrits et surtout ses consultations auprès des têtes couronnées. S’adressant aux sceptiques, il préface ainsi son célèbre ouvrage : “le langage des mains” :

“En publiant cet ouvrage, j’espère que les plus grands sceptiques sur le sujet seront amenés a conclure que l’étude de la main n’a pas été conçue pour impressionner les esprits légers, mais au contraire que les hommes de connaissance et parmi eux les grands philosophes de la Grèce antique ou les scientifiques ouverts du présent ont trouvé le sujet digne d’attention”.

D’un point de vue purement médical, on est surpris de constater que 10 cm2 de paume de la main contiennent 300.000 terminaisons nerveuses.

Les constations scientifiques et anatomiques au sujet de la main nous réservent quelques surprises :

Seuls les primates et les humains sont pourvue de lignes. Ces lignes sont toutefois plus variées chez l’espèce humaine.

Les lignes de la main sont héréditaires ce qui implique l’hérédité norme et l’hérédité pathologique.

Les lignes prennent leurs formes significatives lors de la 19ème semaine de gestation.

Les lignes de la main tendront évoluer au cours de la vie tandis que les empreintes digitales resteront identiques.

La formation des petites lignes secondaires dépendra principalement des conditions de vie de chaque personne.

Certaines lignes secondaires peuvent se former après une opération chirurgicale pour disparaitre ensuite.

En Chine, certaines observation on montrer que les habitudes alimentaires peuvent modifier certaines parties de la paume de la main, de même que certaines maladies respiratoires ou cardio-vasculaires.

La Chine

La Chine et l’Extrême-Orient s’appuient sur des modèles toujours évolutifs, montrant une vérité relative et fluctuante reflétant bien la conception de l’impermanence et de la fluidité des énergies vitales. Cette conception dynamique de l’événementiel fait que le système chinois laisse une grande place à l’art de l’interprète.

Déjà, le vénérable « Traité de la Médecine interne de l’Empereur Jaune » (Neijing) explique la relation énergétique importante entre la main et les organes internes. Par exemple :

« Si le centre de la paume de la main est chaude, alors il existe une chaleur perverse dans l’un des organes internes — si au contraire le centre de la paume de la main est froide la présence de froid pervers interne est avérée ».

Trois livres classiques forment la base de l’art chinois de l’étude énergétique de la main :

Le Ma Yi, le classique le plus ancien concernant l’interprétation des lignes de la main et des traits du visage en rapport avec la physiologie énergétique. Ce traité se référant à des écrits plus anciens est attribué à l’ermite alchimiste Chen Zhuan.

Le Bao Pu Ze du taoïste alchimiste Ge Hong

Et le traité plus récent des Ciseaux d’Or (XVIIIe siècle)

Il semble que l’origine de l’étude énergétique de la main en Chine soit à l’origine indépendante des trois grandes spiritualités : Taoïsme, Confucianisme et Bouddhiste. Ensuite, cet art fut certainement influencé par le Taoïsme et le Bouddhisme et par la chirologie de l’Inde.

L’influence taoïste

Parmi les théories classiques taoïstes qui servirent de support à élaboration de cet art sophistiqué citons :

Le Yi Jing, le livre des changements et particulièrement le modèle des 9 Palais appliqué à la paume de la main

La théorie des Cinq Eléments dynamiques et les Cinq typologies de la main.

Le système biorytmique énergétique des troncs célestes et des branches terrestre.

Il est évident que l’art de la lecture énergétique de la main est peu mentionné dans les textes classiques de la médecine traditionnelle, mais de nombreux thérapeutes chinois examinent la main avec attention. Cet art ancien semble resté très vivace à Taïwan. Dans la période moderne, de nombreux professeurs de médecine en Chine ont effectué des recherches sur la relation entre la main et les maladies.

Deux modèles de représentations symboliques de la main coexistent

Le modèle basé sur les cinq mouvements (Wu Xing)

Le modèle basé sur les huit trigrammes du Livre des Changements (Yijing) et l’arrangement Le système du dragon — cheval : arrangement de huit trigrammes selon l’arrangement du ciel antérieur ou postérieur: huit forces de base.

L’influence bouddhiste

Le patriarche Chan Bodhidharma (Damo). moine yogi bouddhiste venant certainement du Sud de l’Inde mourut en Chine en 535. Il laissa de nombreux ouvrages dont l’un sur l’art de lire la main.

L’école bouddhiste, considère la main comme un mandala: elle en interprète la forme des phalanges, des couleurs, des lignes, aux trois niveaux matériel, énergétique, et spirituel, qu’elle relie à la dimension karmique.

L’école bouddhiste emploie le système symbolique des Cinq Eléments fondamentaux qui furent d’abord employés en Inde puis en Grèce et au Moyen-Orient et influencèrent enfin les sciences ésotériques occidentales :

1 Terre (solidité, cohésion) 2 Eau (fluidité) 3 Feu (action, énergie) 4 Air (mobilité) 5 Ether: vacuité)

La lecture énergétique : décrypter la main

On devrait, dès le début de la lecture garder à l’esprit qu’il s’agit d’un ensemble de données éparses qui vont, au final engendrer une interprétation globale. Il faut donc, pour être pertinent, rechercher les concordances entre les éléments fournis par l’observation des formes des doigts, des monts, des ongles, et des lignes. On évitera ainsi une lecture hâtive basée seulement sur quelques détails.

Cette recherche, qui vise à légitimer un déchiffrement par le recoupement des observations, reflète la notion de “sagesse” chinoise, qui veut que l’information soit travaillée, “ingurgitée”, avant d’être restituée sous une forme bien assimilée, grâce à une approche qui reste toujours expérimentale.

La main idéale est décrite dans les textes chinois comme une main :

  • Large et grande sans toute fois la disproportion.
  • La chair est élastique sans être molle.
  • Les os doivent être cachés par les chairs et tous les monts légèrement rebondis.
  • La peau doit présenter un bon Qi matérialisé par une belle couleur rosée ou un peu jaune de la paume.
  • Les cinq doigts sont fermes et assez longs.
  • Les cinq monts et les neuf Palais sont élégants et bien visibles.
  • A part les trois lignes majeures, les autres lignes sont absentes.
  • Les manifestations du Qi

Chaque ligne peur présenter diverses configurations énergétiques. Elles sont le reflet de la circulation du Qi dans le corps entier. Celle-ci est affectée par divers facteurs :

  1. Le facteur héréditaire : certains signes se retrouvent de parents à enfants. Mais l’hérédité affecte plus la forme et la structure des mains que les lignes proprement dites.
  2. Le stress et les émotions conflictuelles affectent considérablement la topologie des lignes de la main.
  3. Les maladies et les troubles de santé creusent elles aussi leur propres

La plupart des spécialistes de l’interprétation énergétique des lignes et les zones de la main en Chine s’accordent à constater que les relations avec les organes ne sont pas figées mais évolutives. Par exemple : la zone qui correspond aux reins correspond aussi à l’âge mur et à la vieillesse — cette zone correspond ainsi à plusieurs indications au niveau de l’espace et du temps. On peut concevoir ce phénomène comme étant holographique.

Par exemple :

Les 3 grandes lignes majeures de la paume de la main, San Gang, sont traditionnellement reliées à la vigueur de trois Vaisseaux Extraordinaires liée à la bonne circulation du Yuan Qi :

• La ligne de la Terre ou ligne du destin nommée “ligne de vie” en occident. Elle correspond au vaisseau ancestral (Jing Qi Ba Mai) central : le Chong Mai

• La ligne Humaine (Jen), nommée ligne de tête en occident. Elle correspond au vaisseau ancestral Du Mai (ou Vaisseau gouverneur) et à l’esprit (Shen).

• La ligne du Ciel, appelée ligne de coeur en occident. Elle correspond ai vaisseau ancestral Jen Mai (ou Vaisseau conception) et au coeur émotionnel (Xin).

Autre exemple contemporain :

Le docteur Wang Wen-Hua a développé, à partir des bases traditionnelles, une lecture spécifique des stagnations de sang, visibles sous les ongles. Elle considère cette approche comme la seule capable de donner un instantané sur les fonctions physiologiques, au contraire de l’étude des lignes proposant un bilan du terrain énergétique et des prédispositions aux maladies.

Ici encore, le travail symbolique des taoïstes a servi de canevas et de support théorique a ces recherches. L’arrangement des trigrammes du Ciel Postérieur est employé comme modèle holographique des fonctions physiologiques.

Je propose au lecteur une première approche du bilan énergétique taoïste de la main dans un manuel disponible chez votre libraire ou en commande chez :

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